Rédiger le projet éducatif et le projet pédagogique d’une colo, d’un camp, d’un séjour jeunes…
Comment rédiger le Projet Educatif et le Projet Pédagogique qui doivent accompagner la déclaration d’une colonie de vacances, d’un mini-séjour, d’un camp d’ados ou d’un séjour sportif,… ? A qui sont-ils destinés ? Que doivent-ils contenir ? Quelle est l’articulation entre ces deux documents ? …
Cet article fait le point sur les objectifs et le contenu du Projet Educatif et du Projet Pédagogique qui doivent être transmis aux services de l’Etat (DDCS ou DDCSPP) lors de la déclaration d’un séjour.
1 – Projet éducatif et Projet pédagogique, en quelques mots.
Le Code de l’Action Sociale et des Familles (CASF) indique les obligations que les organisateurs d’Accueils Collectifs de Mineurs (ACM) sont tenus de respecter. Parmi celles-ci figure l’obligation de déclarer auprès des services de la DDCS* ou de la DDCSPP* les séjours organisés. Cette démarche doit être effectuée au minimum 2 mois avant le début du séjour, ce délai étant porté à 3 mois si le séjour concerne des enfants de moins de 6 ans.
La déclaration d’un accueil – ou d’un séjour – auprès de la DDCS* ou de la DDCSPP* doit être accompagnée de deux documents : un projet éducatif, établi par l’organisateur, et qui définit l’action éducative mise en place ; et un projet pédagogique, établi par le directeur du séjour en concertation avec l’organisateur et les équipes d’animation. Celui-ci précise les conditions de réalisation du projet éducatif à l’occasion du séjour concerné.
Ces deux documents doivent prendre en compte les principes fixés par le décret n°2002-885 du 3 mai 2002 relatif au projet éducatif mentionné à l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles. Le texte du décret n°2002-885 peut être consulté ici.
2 – Le projet éducatif : l’engagement de l’organisateur.
Le projet éducatif est préalable à toute mise en œuvre d’un accueil. Il est élaboré par la personne physique ou morale organisant l’accueil, et traduit son engagement éducatif, ses valeurs, ses priorités et ses principes. Il indique des orientations, fixe des objectifs et spécifie les moyens utilisés pour les atteindre. Il définit l’identité de l’organisateur, tant auprès des pouvoirs publics que des parents.
Le projet éducatif est le plus souvent un projet pluriannuel qui favorise la continuité de l’action. Il est de la responsabilité de l’organisateur, mais celui-ci peut l’élaborer conjointement avec ses partenaires : associations « mères » ou fédérations, collectivités territoriales, élus, animateurs, éducateurs,… mais aussi les parents ou leurs représentants.
2.1 – Les destinataires de Projet Educatif.
Le Projet Educatif (ou PE) est destiné :
1 – aux services de l’Etat, et notamment aux agents de la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports. Il leur permet de connaître les intentions éducatives de l’organisateur, de s’assurer que celles-ci garantissent la sécurité physique et morale des mineurs accueillis dans le respect des textes en vigueur, d’observer d’éventuels dysfonctionnements entre les intentions affichées et le fonctionnement de l’accueil, de faire le lien avec d’autres dispositifs : contrat éducatif local, contrat enfance jeunesse, contrat local d’accompagnement, etc… Il permet aussi aux agents de l’Etat de répondre au mieux aux besoins de l’organisateur, en adaptant leurs conseils.
2 – aux directeurs de séjours et à leurs équipes d’encadrement. Le projet éducatif est le document sur lequel les responsables de séjours s’appuient pour élaborer le projet pédagogique du séjour. Il est donc primordial qu’il indique clairement les priorités éducatives de l’organisateur et les moyens mis à la disposition des responsables de séjours pour atteindre les objectifs fixés.
3 – aux parents ou tuteurs légaux des mineurs. Il leur permet de connaître les valeurs, les objectifs et les priorités de l’organisateur, et de s’assurer que celles-ci sont bien en adéquation avec leurs attentes et leurs propres valeurs éducatives.
2.2 – Le contenu du Projet Educatif.
La forme du Projet Educatif est libre. Il peut s’agir d’un document léger, mais il doit contenir toutes les informations qui permettront à ses différents destinataires de saisir la nature du projet. Pour vous aider dans sa rédaction, voici une liste, non exhaustive, des éléments à y faire figurer :
- L’identité de l’organisateur : S’agit-il d’une personne physique ? Ou d’une personne morale : association, fédération sportive, œuvre confessionnelle, amicale, association de scoutisme, société commerciale ? Dans ce cas, quel en est le ou la responsable ? Quelles en sont les instances dirigeantes ?
- La présentation de la structure : date de création de l’entité juridique, chiffres clefs du développement, encadrement, nombre d’adhérents, partenaires (collectivités territoriales, associations, entreprises,)…, ressources financières, principales actions menées, zone d’intervention,…
- L’objet, ou la vocation de la structure : Dans quel(s) buts la structure a-t-elle été créée ? Par exemple : organiser des activités de loisirs pour les mineurs ; organiser de séjours extrascolaires en France ou à l’étranger ; encadrer des activités relevant du scoutisme ; promouvoir une discipline sportive, culturelle ou artistique ; etc.
- Les objectifs éducatifs : Il s’agit de mettre en avant les objectifs éducatifs, transversaux à l’ensemble des actions menées par l’organisateur. Par exemple : permettre à des enfants issus de milieux défavorisés de partir en vacances ; favoriser les rencontres entre jeunes français et jeunes européens ; développer l’intégration d’enfants atteints de handicaps légers lors de séjours avec des jeunes valides ; favoriser la mixité filles/garçons dans les quartiers ; sensibiliser les mineurs aux problèmes environnementaux et promouvoir le développement durable ; favoriser les échanges intergénérationnels par la culture et le jeu ; développer les échanges entre les France et les pays Africains grâce au sport ; etc.
Ces objectifs éducatifs doivent correspondre aux besoins exprimés par les familles et les jeunes, en lien avec les responsables – élus locaux, responsables associatifs,… – du territoire d’implantation. Ils doivent, dans la mesure du possible, s’inscrire dans la durée, en prenant en compte le contexte social et la dynamique locale.
- Les moyens mis en oeuvre : Quelles actions sont menées ou prévues pour atteindre les objectifs éducatifs fixés, et avec quels moyens ? Par exemple :
- les locaux ou espaces disponibles,
- les manifestations programmées,
- le budget d’activité : dépenses, ressources, subventions, partenariat,…
- l’équipe (ou les équipes) et les modalités de recrutement : qualifications des directeurs, animateurs et intervenants,
- les conventions de partenariat s’il en existe,
- les relations avec les familles,
- les relations avec les acteurs locaux,
- le règlement intérieur,
- les modalités pratiques : horaires, tarifs, sites,…
etc.
Le Projet Educatif n’est en aucun cas figé. Il doit être évolutif, et capable d’intégrer des améliorations nées des échanges, réflexions, et retours d’expérience. Il est important que les organisateurs aient à tout moment quelques questions à l’esprit :
- Les objectifs sont-ils réellement adaptés au(x) public(s) visé(s) ?
- Les différentes tranches d’âge sont-elles concernées ?
- Quels sont les objectifs à moyen et long terme ?
- Les dynamiques locales sont-elles intégrées ?
- Le rôle de chaque responsable, animateur ou encadrant est-il bien défini ?
- Les intervenants sont-ils associés au projet ?
- Le suivi des actions menées, ou des séjours organisés, est-il satisfaisant ?
etc…
Le Projet Educatif peut être décliné en deux versions : l’une complète destinée aux organismes de tutelles, partenaires institutionnels ou représentants de l’Etat ; et l’autre allégée, axée principalement sur les objectifs éducatifs, et destinés aux parents ou tuteurs légaux
3 – Le projet pédagogique : l’application du projet éducatif à un séjour.
Le Projet Pédagogique – ou PP – est la traduction du Projet Educatif, appliquée à un séjour ou à un accueil en particulier. Il est de la responsabilité du directeur du séjour, ou de l’accueil, qui en est le garant. Celui-ci l’élabore, en tenant compte du Projet Educatif mis en place par l’organisateur, et en concertation avec les personnes qui animent ou encadrent le séjour.
Le Projet Pédagogique est donc spécifique aux caractéristiques de l’accueil concerné. Il traduit l’engagement collectif d’une équipe pédagogique dans un temps et un cadre donnés et sert de référence tout au long de l’action concernée. Il est le « contrat de confiance » établi entre le directeur du séjour, l’équipe pédagogique, les intervenants extérieurs, les parents ou responsables légaux des mineurs. Il permet de donner du sens aux activités proposées et de construire une démarche pédagogique basée sur des objectifs et intégrant une méthode d’évaluation.
Le projet Pédagogique reflète les préoccupations de l’organisateur et sert de support de travail à l’équipe.
3.1 – Les destinataires de Projet Pédagogique.
Le Projet Educatif (ou PE) est destiné :
1 – à tous les adultes intervenant dans le cadre de l’accueil ou du séjour concerné : directeur, animateurs, intervenants extérieurs, personnel d’entretien ou de restauration, etc.
2 – aux autorités de tutelle et services de l’Etat : DDCS, DDCSPP, agents des services de la Jeunesse et des Sports, services préfectoraux, agents des collectivités territoriales,…
3 – aux parents ou responsables légaux des mineurs, ainsi qu’aux partenaires.
3.2 – Le contenu du Projet Pédagogique.
Celui-ci dépend totalement des objectifs éducatifs de l’organisateur et des caractéristiques de l’accueil ou du séjour concerné. Pour vous guider, voici une liste non exhaustive des éléments qui peuvent y figurer :
La présentation de l’organisme : Rappel des caractéristiques de la structure (ou personne morale) organisatrice. Rappel en quelques lignes des objectifs éducatifs tels que définis dans le Projet Educatif de l’organisateur.
Le descriptif du séjour :
- Type de séjour : centre de vacances, camp fixe ou itinérant, séjour en dur ou sous toile,…
- Thème du séjour.
- Dates et durée du séjour.
- Lieu du séjour : coordonnées, caractéristiques du centre d’accueil ou du camp : gestionnaire, capacité d’accueil, équipements, personnels,…
- Public accueilli : nombre et âge des mineurs accueillis, origines géographiques, répartition filles/garçons, particularités du groupe,…
L’équipe pédagogique :
Composition de l’équipe : rôle, diplômes et compétences de chaque membre de l’équipe. Les recrutement en cours ou à venir. Les intervenants extérieurs.
Les modalités de fonctionnement de l’équipe : le partage des responsabilités et des tâches, les temps de concertation, les bilans d’étape, la transmission des informations, l’accompagnement des animateurs et des stagiaires,…
Les objectifs pédagogiques : les objectifs pédagogiques « traduisent » en actions les objectifs éducatifs affichés par l’organisateur. Ils dépendent des caractéristiques de l’accueil et de l’âge des mineurs.
Par exemple, si l’objectif éducatif de l’organisateur est de « sensibiliser les mineurs aux problèmes environnementaux et promouvoir le développement durable », un objectif pédagogique pourrait être de « comprendre l’impact des déchets sur le littoral » à l’occasion d’activités organisées sur place, ou encore de « développer un système de production d’énergie propre pour le camp » s’il s’agit de créer une éolienne qui alimentera le camp en électricité.
Apprendre à vivre en collectivité, respecter les autres, partager les tâches communes, échanger à l’occasion des temps de parole, gagner en autonomie, prendre des responsabilités, faire preuve d’initiative, faire confiance, respecter les notions d’équilibre alimentaire… sont autant d’objectifs pédagogiques transversaux, inhérents aux séjours avec des enfants ou ados.
Les objectifs pédagogiques peuvent être liés à une activité en particulier (une visite, un jeu, une soirée, un atelier,)… ou s’appliquer à un temps plus long, voire à la totalité du séjour.
Dans tous les cas, un objectif pédagogique doit obéir à la règle suivante : il est Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temporel (SMART).
Le planning des activités : le planning des activités prévues en fonction des objectifs pédagogiques et des possibilités offertes. Les activités proposées doivent être variées, adaptées à l’âge et aux capacités – intellectuelles, physiques, créatives – des enfants, et encadrées de façon adéquate. Dans la mesure du possible, les mineurs doivent pouvoir être « force de proposition », avoir le choix entre plusieurs activités, et la possibilité de passer de l’une à l’autre. Il est prudent de prévoir des activités alternatives en cas d’intempéries… ou d’insuccès !
Lorsque des activités physiques ou sportives nécessitant un encadrement spécifique sont prévues, le projet pédagogique doit indiquer l’encadrement qui sera mis en place à cette occasion.
Le planning, jour après jour, des activités durant tout le séjour déterminera de fait l’emploi du temps des animateurs.
L’organisation du séjour au quotidien : cette partie du projet pédagogique est importante car elle est un bon indicateur du niveau de préparation apporté au séjour. Elle montre aux autorités de tutelle comme aux familles que l’équipe a réfléchi à l’ensemble des questions qui peuvent survenir. Elle permet à cette même équipe de se poser, collégialement, toutes les questions avant le départ et limite ainsi le risque « d’improvisation » durant le séjour. Parmi les points à aborder, on peut citer :
- L’hébergement : le choix des chambres ou tentes ; le rôle des référents ; la répartition filles/garçons…
- La gestion du linge, du rangement et du ménage.
- L’organisation de la toilette : rythme des douches, modalités de surveillance, respect de l’intimité des enfants…
- L’organisation des repas : le type d’alimentation proposé ; la préparation des repas ; les interdits pour des raisons religieuses ou médicales et les alternatives prévues ; les règles de vie durant les temps de repas…
- La gestion du temps : les temps d’activité et les temps de repos ; le respect des rythmes en fonction des âges et des besoins de chacun ; les heures de lever, coucher, déjeuner et dîner.
- Les modalités de participation des mineurs : l’expérimentation démocratique ; l’organisation de débats ; la participation des jeunes dans l’élaboration des activités…
- L’organisation des veillées.
- La gestion de l’argent de poche (à disposition des enfants, confié à un « trésorier », limité ou pas,)… ainsi que des objets de valeur, téléphones, tablettes…
- Le respect et/ou l’organisation des pratiques religieuses.
- Le suivi sanitaire des mineurs : la pharmacie ; la gestion des médicaments ; le suivi des enfants sous traitement ; le rôle et la formation de l’Assistant(e) Sanitaire…
- L’information des familles : le rythme de correspondance ; la messagerie téléphonique…
- Le règlement du séjour, ou les règles non négociables et qui s’appliquent à l’ensemble du groupe. Les sanctions prévues en cas de manquement.
- Le planning d’une journée type.
- L’évaluation. Le Projet Pédagogique doit faire ressortir les modalités d’évaluation du séjour. Une démarche d’évaluation a pour objectif de comprendre autant les facteurs de réussite que les raisons des difficultés rencontrées durant séjour, et d’analyser ainsi la pertinence de l’action menée. Le processus d’évaluation est un processus quotidien. Il trouve son aboutissement en fin de séjour lorsqu’il est nécessaire de tirer un bilan global du projet, avec l’ensemble des acteurs : équipe d’animation, enfants, parents, organisateurs, partenaires, pouvoirs publics, etc.
Voici quelques-unes des questions à se poser pour mettre en place les outils d’évaluation, tant durant le séjour qu’à son issue :
- Les objectifs pédagogiques – de l’activité, de la période, du séjour – ont-ils été atteints ?
- Quelles sont été les difficultés rencontrées ? Quelles en sont l’origine ? De quelle manière ont-elles été surmontées ?
- Les actions menées ont-elles traduit les intentions éducatives de l’organisateur ? Si non, pourquoi ?
- L’équipe éducative a-t-elle fonctionné de manière efficace et cohérente ? Quelles sont été les éventuelles difficultés ? Ont-elles été résolues ?
- Les mineurs ont-ils éprouvé des difficultés lors de certaines périodes ou activités ?
- La dynamique de groupe a-t-elle fonctionné de façon satisfaisante ? Des enfants ont-ils été exclus ou rejetés du groupe ou de l’activité ? Pourquoi ? Quelles solutions ont été mises en place ?
- Les enfants ont-ils été acteurs des projets menés ? Ont-ils été écoutés ?
- Le planning prévu a-t-il été respecté ? Si non, pourquoi ?
- Des difficultés inattendues ont-elles surgi ? Lesquelles ? Auraient-elles pu être évitées ?
Etc, etc.
Il revient au directeur du séjour de mettre en place les indicateurs pour évaluer avec le plus d’objectivité possible les actions menées. Ces indicateurs peuvent s’adresser autant aux membres de l’équipe (grille d’évaluation par activité, évaluation quotidienne de la dynamique de groupe à partir de quelques items, fiche de suivi individuelle des enfants, tableau de bord,)…, qu’aux mineurs accueillis ou à leurs parents (questionnaire durant le séjour, enquête de satisfaction quelques jours après le retour,)...
L’évaluation, quels que soient les outils utilisés, aide l’équipe à prendre du recul sur son action quotidienne. Elle évite ainsi que des événements ou situations néfastes à un individu ou à l’ensemble du groupe ne se reproduisent. Elle permet de recueillir des informations, quantifiables, analysables, et qui seront utiles lors de projets ultérieurs.